Question des Auditeurs, part 2

Est-ce que tu te censures, ou te modères ? Si tu réponds oui, je vais m’inquiéter…

Oh ben… Je ne peux pas dire que je m’impose une quelconque censure mais quand je commence à envisager un album, j’essaie de poser des barrières afin d’orienter la musique vers une direction cohérente. Cela concerne surtout le choix des instruments, le tempo approximatif de chaque morceaux, la dynamique de l’album. Pour AM, je voulais un album plus “cool” que Second System Syndrome. C’était clairement ma ligne directrice, je devais me “programmer”. Puis lorsque je compose, je reste ouvert à toutes les possibilités, et à toutes les idées, dans la mesure où je ne me détourne pas trop du cadre du disque. Alors je me laisse porter et la musique prend vie. Au final, ma modération est sûrement inconsciente et dépend probablement du contexte quotidien. La censure s’applique donc selon mes humeurs et mes goûts. D’autre part, j’aime quand la musique que je compose me surprend moi-même. C’est pourquoi il est – je crois – indispensable de garder en tête de ne pas chercher à me limiter à un genre, un son, une émotion, etc.
Je me rends compte que je ne parviens pas à bien répondre à cette question. Je suppose qu’il faudrait réfléchir plus profondément à ce qu’est l’inspiration…

Perso j’hésite entre F et L. Mais il y a des trucs de fous dans J aussi. Arrrh ! Et la fin de I !

Quand j’ai eu fini toutes les démos, le morceau qui me touchait le plus était I. La partie finale, justement, me faisait beaucoup d’effets. J’avais vraiment le sentiment que c’était une de mes meilleures compos, d’autant plus que la musique avait été très vite produite. Avec le recul, et après avoir écouté et disséqué chaque morceau des dizaines des fois, pour ne pas dire des centaines, mon objectivité est brouillée. Bizarrement, je crois que j’aime beaucoup B. Et puis J aussi… Mais en toute honnêteté, maintenant je perçois AM comme un unique morceau dont il est difficile d’isoler une partie ou une autre. Peut-être dans quelques mois j’aurai une vision plus nette à ce sujet.

Tu réussis la prouesse de commencer tous les mots des lyrics de chaque morceau par la même lettre, sans que ça se remarque vraiment. Tu as fait ça parce que A : 9 ans depuis Second System Syndrome, c’est vraiment long, tu ne voulais pas en plus avoir à écrire de vraies paroles et y passer un an. B : C’est un choix artistique assumé. (Justifie pourquoi). C : C’est une question de musicalité uniquement et puis c’est concept, c’est marketing ! D : la réponse D.

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La réponse D, donc. Mais les trois autres aussi.
La A, oui. Même si dans tous les cas, un an pour écrire des lyrics, ça parait quand même très long. Mais je reconnais qu’il y avait un peu de ça, dans l’idée. Je préférais me concentrer avant tout sur la musique. En fin de compte, pour l’écriture des textes, j’ai passé beaucoup plus de temps que prévu  parce que cette contrainte de lettres et de mots, couplée aux mélodies vocales que j’avais envisagées, rendait la tâche assez difficile. J’ai donc dû adapter la musique quelques fois, pour ne pas dire changer en profondeur certains morceaux.
B aussi, donc. C’est un choix artistique assumé. Pour plusieurs raisons. D’abord parce que la construction de l’album s’imposait d’elle-même. Si j’estimais la durée moyenne d’un morceau à 4 ou 5 min, j’avais donc deux albums à composer, avec 13 morceaux chacun. C’était pratique. C’était méthodique. Ensuite, et c’est surtout ce qui m’a attiré, j’avais la possibilité d’orienter le sens des textes vers des thématiques claires. Je pouvais associer des mots, des idées, des figures de style, sans chercher à raconter quelque chose, sauf que c’était aussi un moyen détourné de raconter quelque chose. À ce propos, j’ai souvent pensé au zapping, le programme de Canal +, qui joue souvent, et avec réussite, sur le sens que peut générer un montage d’images pas forcément compatibles. Cependant, et c’est ce qui a été le plus complexe, j’ai essayé de formuler des phrases intelligibles. Enfin, dans mon livre Dogs, chaque chapitre avait pour titre une lettre de l’alphabet. J’avais trouvé intéressant de raconter une histoire de A jusqu’à Z. Et adapter cette idée pour un disque m’a paru une continuité intéressante. J’aime bien que mes projets aient unlien entre-eux. Donc j’ai gardé le découpage par lettres, et j’ai rajouté cette contrainte de choix de mots. Et d’ailleurs, il y a aussi un lien avec Second System Syndrome, dont les morceaux avaient également pour titre une unique lettre. Mais c’était pour une autre raison.

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Pour C, c’est assez juste mais à un degré moindre que les autres réponses. La musicalité générée, oui, bien que j’ai toujours cherché à ce que cette contrainte ne soit pas discernable par un auditeur qui n’est pas au courant. J’ai utilisé beaucoup de choeurs pour répéter des mots ou pour les détourner d’une ou deux syllabes, j’ai beaucoup jouer avec les sons et les lettres finalement, oui… Sauf que ce n’était pas prémédité. Disons que j’ai compris que je pouvais produire une musicalité verbale une fois seulement que j’ai commencé à écrire et enregistrer… Sinon, la question du marketing, c’était un peu la cerise sur la gâteau. J’avais dès le départ la perspective d’un album-concept original et je savais que l’explication de ce concept serait récurrente, et obligatoire, une fois le disque terminé et partagé. Mais c’est à double-tranchant. Un concept, ça peut prendre beaucoup trop d’espace et masquer des éléments peut-être plus intéressants. En vérité, je n’ai pas réfléchi à ça. Le projet me plaisait, je trouvais que ça pouvait être singulier, et je l’ai fait. Et je ne me suis pas du tout soucier de la façon dont le disque serait “vendu”. Peut-être est-il invendable d’ailleurs. La musique m’importait plus que le reste.

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